Actualités du cabinet Sylvie PERSONNIC

25/01/2023 14:39

Revirement de jurisprudence de l'Assemblée Plénière

Par deux arrêts qui viennent d’être rendus par la Cour de cassation en Assemblée plénière le 20 janvier 2023,  la Haute juridiction opère un revirement de jurisprudence extrêmement important en considérant désormais que la rente accident du travail (rente AT) ne répare plus le déficit fonctionnel permament et ne doit plus venir s’imputer sur ce poste.

La motivation de la Cour dans ces deux arrêts est la suivante :

Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code la sécurité sociale :

5. Selon les deux premiers de ces textes, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu par l'article R. 434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

6. Selon le dernier de ces textes, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu du troisième, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

7. La Cour de cassation juge depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvois n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154).

8. Elle n'admet que la victime percevant une rente d'accident du travail puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48).

9. Si cette jurisprudence est justifiée par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, elle est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci, tenant compte du salaire de référence et reposant sur le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

10. Par ailleurs, il ressort des décisions des juges du fond que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles éprouvent parfois des difficultés à administrer la preuve de ce que la rente n'indemnise pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

11. Enfin, le Conseil d'Etat juge de façon constante qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et que dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel (CE, section, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon ; CE, 23 décembre 2015, n° 374628 ; CE, 18 oct. 2017, n° 404065).

12. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. 

Cette décision est très importante pour les victimes d'accident du travail et de maladie professionnelle, ou leurs ayants droit. La Cour de Cassation autorise désormais aux victimes d'obtenir une réparation supplémentaire au titre des souffrances endurées post-consolidation autrement dit au titre du déficit fonctionnel permanent (DFP), sans que ce poste ne soit réduit voire anéanti par le versement de la rente d'accident du travail.


10/06/2022 14:43

Majoration du déficit fonctionnel permanent

Détermination du taux de déficit fonctionnel permanent : appréciation souveraine des juges du fond.

Par arrêt en date du 25 mai 2022, la Cour d’Appel de BOURGES (2ème Chambre, 25 mai 2022, RG n°22/00173) se prononce souverainement sur la détermination du taux de DFP en s’écartant des conclusions de l’expert qui n’avait pas pris en compte les souffrances endurées par la victime après consolidation, ni les atteintes subjectives à sa qualité de vie et ses troubles dans les conditions d’existence. 

La Cour d’appel rappelle que « le déficit fonctionnel permanent recouvre le préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel. Il s’agit d’un déficit définitif, après consolidation, c’est-à-dire que l’état de la victime n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté.

Ce poste de préjudice est défini par la Commission européenne (conférence de Trèves de juin 2000) et par le rapport Dintilhac comme : 

« la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours ».  

Ce poste de préjudice permet donc d’indemniser non seulement le déficit fonctionnel au sens strict mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence. 

En pratique, il est nécessaire que les experts ne se contentent pas de chiffrer le taux d’incapacité en fonction de la seule atteinte à l’intégrité physique de la victime, surtout si la mission d’expertise a été rédigée par référence aux définitions de la nomenclature Dintilhac ; en pareil cas, l’évaluation par le juge s’en trouve faussée du fait de l’absence de prise en compte des autres éléments entrant désormais dans la définition du déficit fonctionnel permanent, ce qui contraint les avocats à conclure en « sous-postes » sur les souffrances et les troubles dans les conditions d’existence.

Si le médecin expert s’est limité à une évaluation du déficit fonctionnel permanent par référence au barème médical, l’indemnisation du préjudice doit être majorée pour prendre en compte les douleurs associées à l’atteinte séquellaire et les troubles dans les conditions d’existence ». 

L’évaluation du déficit fonctionnel permanent ne doit pas se limiter à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, tel qu’il résulte des barèmes médico-légaux.

Il convient également de tenir compte des phénomènes douloureux (souffrances endurées post-consolidation), des répercussions psychologiques chez la victime de l’accident, ainsi que des conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. 

Ainsi et concrètement, lorsque le médecin expert se limite à une évaluation du déficit fonctionnel permanent par référence au barème médical (et notamment à l’AIPP – atteinte à l’intégrité physique et psychique), l’indemnisation du préjudice doit être majorée pour prendre en compte les douleurs associées à l’atteinte séquellaire et les troubles dans les conditions d’existence


09/04/2022 16:30

Préjudice de mort imminente

Autonomie des préjudices « d’angoisse de mort imminente » des victimes directes et « d’attente et d’inquiétude » de leur proches.


Par deux arrêts rendus le 25 mars 2022, la chambre mixte de la Cour de Cassation reconnaît l’autonomie de ces deux postes de préjudice qui doivent donc être indemnisés de manière distincte, par rapport aux postes définis dans la nomenclature Dintilhac. Cette reconnaissance de la Cour de Cassation était donc attendue par les praticiens et notamment les avocats des victimes du Bataclan, qui, après les attentats du 13 novembre 2015, se sont regroupés pour faire reconnaître un dommage atypique : 

-      d’une part, le préjudice « d’angoisse de mort imminente » des victimes directes : il s'agit du préjudice ressenti par la victime directe qui, entre le moment où elle a subi une atteinte et son décès, a eu la conscience du caractère inéluctable de sa propre fin. Les héritiers peuvent en son nom, obtenir réparation de ce préjudice

-    d’autre part, le préjudice « d’attente et d’inquiétude » subi par leurs proches : il s'agit du préjudice subi par les proches d’une victime directe lorsqu’ils apprennent qu’elle est ou a été exposée à un péril. Leur souffrance nait de l’état d’attente et d’incertitude dans lequel ils se trouvent entre le moment où ils apprennent que leur proche est en péril et le moment où ils ont connaissance de l’issue de l’évènement pour celui-ci.


 

 


30/12/2021 09:17

Assistance tierce personne temporaire

Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 16 décembre 2021 pourvoi 20-14.233 :

l’assistance par tierce personne temporaire ne se confond pas avec le déficit fonctionnel temporaire. 

Dans une décision en date du 16 décembre 2021, la Cour de Cassation sanctionne très justement un arrêt de la Cour d’Appel de Nancy ayant considéré que  l'assistance par tierce personne n'est pas un préjudice distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Il s’agit pourtant de deux notions distinctes.

Le déficit fonctionnel temporaire tel que défini dans la nomenclature Dintilhac vise à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est à dire jusqu’à sa consolidation. Il s’agit de l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à cette date, correspondant à ses périodes d’hospitalisation, mais aussi à la “perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante ” rencontrée par la victime pendant la maladie traumatique

Or, et ainsi que le rappelle la Cour de Cassation, le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à titre temporaire indemnise la perte d'autonomie de la victime la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers (professionnel ou non) pour l'assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne jusqu'à la date de consolidation.

Le coût de cette aide humaine, dont la victime peut avoir besoin pendant la période d’immobilisation même partielle s’indemnise dans le poste « frais divers » et vise à compenser le besoin en tierce personne pour accomplir les actes de la vie courante (ménage, courses, repas, toilette ...).

Dans cette décision, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que ces deux notions ne se confondent pas et doivent donner lieu à une indemnisation distincte.

 


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